« La préparation d’un projet européen nécessite de nombreuses discussions »

Témoignage : Anne Spinewine de l’UCLouvain

Fin janvier, les résultats des premiers appels du Cluster 1 Health du programme Horizon Europe ont été dévoilés ! Anne Spinewine, Prof. en Pharmacie clinique à l’UCLouvain et responsable de la Pharmacie clinique au CHU UCL Namur (Godinne) fait partie des lauréats !

Pionnière dans le développement de la pharmacie clinique en Belgique, Anne Spinewine prendra la coordination du projet BE-SAFE* pour une durée de 5 ans. Nous nous sommes entretenus avec Anne qui séjourne actuellement au Canada.

Anne Spinewine, qui êtes-vous ?

« Je suis pharmacienne hospitalière de formation. Je travaille à mi-temps comme professeure en pharmacie clinique à l’UCLouvain et à mi-temps en tant que responsable de la pharmacie clinique au CHU UCL Namur sur le site de Godinne.

Je suis actuellement à Ottawa où j’ai rejoint un groupe de recherche spécialisé dans le domaine des sciences de l’implémentation afin de développer mon expertise. »

En quoi consiste le projet BE-SAFE ?


Le projet BE-SAFE entre dans le cadre d’un appel spécifique du programme Horizon Europe sur l’amélioration de la qualité des soins de santé et sur la sécurité du patient. Ce projet met l’accent sur la sécurité d’utilisation de certains médicaments (benzodiazépines et sédatifs) utilisés pour les troubles du sommeil. BE-SAFE propose de développer, d’évaluer une approche pour favoriser l’arrêt progressif de ces médicaments chez les personnes âgées.

Des données épidémiologiques montrent que la prise de ces médicaments peut entrainer des risques importants, et ce particulièrement chez le patient âgé (hospitalisation, troubles cognitifs, chute et fracture, accident de la route…). La surconsommation de ces benzodiazépines est reconnue comme étant un problème de santé publique majeur dans l’ensemble des pays européens et au-delà.

De façon globale, la surconsommation des médicaments en pratique clinique est une problématique urgente avec des conséquences délétères pour la santé et la qualité de vie des personnes et des coûts conséquents pour la société.

Dans le cadre de BE-SAFE, nous ciblerons les personnes âgées de 65 ans et plus, une population qui représente 19% de la population. Le vieillissement de la population mondiale impose un travail important de sensibilisation, de conscientisation et d’interventions politiques sur le sujet.

Cette approche pourra-t-elle être appliquée à d’autres types médicaments ?

Cette démarche pourra sans doute être utile et applicable à d’autres médicaments. Toutefois, il faut aussi prendre en compte que les freins à l’arrêt des benzodiazépines ne sont pas forcément tous identiques aux freins rencontrés pour l’arrêt d’autres classes de médicaments. La démarche que l’on va proposer tiendra compte de l’évaluation des freins spécifiques.

Existe-t-il un traitement qui pourrait substituer les benzodiazépines ?

L’objectif de BE-SAFE n’est pas de systématiquement substituer un médicament par un autre, mais de permettre aux patients de mettre en place, en concertation avec leur médecin et grâce à certains outils à leur disposition, d’autres stratégies permettant une qualité de sommeil suffisante.

Quelle est la genèse de ce projet ?

Olivia Dalleur, Benoit Boland et moi-même étions partenaires UCLouvain du projet OPERAM (H2020), coordonné par un partenaire suisse. Ce projet ciblait la problématique de la polymédication chez la personne âgée. Des discussions ont été menées à la fin du projet avec le partenaire suisse et nous avons décidé de réitérer ensemble notre participation à un nouveau projet de recherche européen.

L’étude clinique se déroulera au CHU UCL Namur Godinne pour la Belgique, sous la responsabilité du Prof Marie de Saint Hubert, gériatre, mais aussi dans 5 pays européens où la politique de santé générale et les soins de santé (Pologne, Norvège, Suisse, Grèce et Espagne) sont très différents. Cette approche multicentrique représente un enjeu important du projet. Nous devrons procéder à une évaluation de l’environnement global dans lequel nous travaillerons et l’appliquer à un contexte européen. C’est le professeur Jean Macq de l’UCLouvain qui coordonnera cette approche systémique.

Comment est né cet intérêt marqué pour ce type de recherche ?
J’ai réalisé une spécialisation à Londres en pharmacie clinique. En Angleterre, le pharmacien travaille en étroite collaboration avec les médecins et les patients pour optimiser l’utilisation de médicaments.

À mon retour en Belgique en 2001, cette discipline n’existait pas encore. Ma thèse de doctorat m’a permis de développer ce sujet et de le mettre en lumière.

Quand on parle de la recherche pour des médicaments, on l’associe souvent à la recherche de nouveaux médicaments. Certaines données nous montrent que beaucoup d’entre eux ne sont pas utilisés de façon optimale. Nous avons besoin à la fois de recherches pour développer de nouveaux médicaments, mais aussi de recherches pour mieux comprendre comment mieux les utiliser en pratique clinique. C’est ce que nous faisons au sein de notre groupe de recherche, notamment avec la Prof Olivia Dalleur qui est également partenaire de BE-SAFE.

Quels bénéfices retirez-vous de votre participation à un projet européen ?

Monter une étude multicentrique et internationale dans le domaine de la qualité des soins est extrêmement compliqué ! Participer à un projet Horizon Europe offre l’opportunité d’une recherche de plus grande envergure avec un réel impact sur le plan de la collaboration, de la qualité de la recherche, du niveau d’excellence et de l’impact de nos résultats.

Et à titre personnel ?

Ils sont multiples ! Être impliquée dans un domaine de recherche qui me passionne et qui fait sens à de nombreux égards, collaborer avec d’autres équipes ou encore rencontrer de nouveaux partenaires sont des bénéfices majeurs !

Quels conseils donneriez-vous à des confrères qui souhaitent s’aventurer dans les financements européens ?

D’une part, bien identifier les partenaires avec lesquels on va travailler. D’autre part, bien définir les tâches et les attribuer aux bons partenaires pour rentrer parfaitement dans le cadre de l’appel auquel on postule. De plus, il faut s’assurer de la complémentarité et de l’expertise de l’équipe dans son ensemble.

La préparation d’un projet européen nécessite de nombreuses discussions et une vision cohérente des tâches qui seront exécutées entre les partenaires.

Une fois que le projet est financé, on doit se tenir à une ligne de conduite et accomplir ce qui a été convenu. Quand on se lance pour la première fois dans un projet européen, il est indispensable de s’entourer de partenaires qui ont de l’expérience et faire appel aussi aux National Contact Points (NCP) ainsi qu’aux membres compétents (notamment sur les plans juridiques et financiers) de notre cellule d’administration de la recherche.

Quel type de soutien vous a apporté le NCP Wallonie ?

En tant que chercheur, nous ne sommes pas toujours formés pour répondre aux attentes spécifiques des projets européens et de la Commission européenne. Je suis très à l’aise pour fournir des arguments scientifiques, mais je le suis moins sur d’autres aspects. L’aide du NCP Wallonie est essentielle et vient compléter l’expertise que nous apportons.

Merci Anne pour ce témoignage ! Et encore félicitations de toute l’équipe du NCP Wallonie pour ce projet !

*Implementing a patient-centred and evidence-based intervention to reduce BEnzodiazepine and sedative-hypnotic use to improve patient SAFEty and quality of care

Nom du projet: BE-SAFE (Implementing a patient-centred and evidence-based intervention to reduce BEnzodiazepine and sedative-hypnotic use to improve patient SAFEty and quality of care)

Type de projet: Horizon Europe Pilier II, Cluster Health, Research & Innovation Action

Coordinatrice: Université catholique de Louvain, Prof. Anne Spinewine

Partenaires:

Institute of Psychiatry and Neurology, Prof. Adam Wichniak (Poland)
Universitat Autònoma de Barcelona, Prof. Laura Coll Planas (Spain)
MAGIC, Prof. Per Olav Vandvik (Norway)
University of Oslo, Prof. Torgeir Bruun Wyller (Norway)
University of Athens, Prof. Dimitris Dikeos (Greece)
tp21 GmbH, Dr. Petra Zalud (Germany)
Universität Bern, Prof. Nicolas Rodondi (Switzerland)
Autres partenaires:

Ottawa Hospital Research Institute, Prof. Jeremy Grimshaw
University of Toronto, Prof. Wendy Levinson, Chair of Choosing Wisely International (CWI) (Canada)
Durée: 5 ans

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